Contes d'en France -  Alain Gitton

Contes d'en France (eBook)

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2024 | 1. Auflage
316 Seiten
Books on Demand (Verlag)
978-2-322-56759-1 (ISBN)
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Le lecteur trouvera, en ces quelques anecdotes sans lien entre elles, un florilège de situations et d'attitudes incarnant la féminité, dans ce qu'elle a de plus sombre et beau à la fois.

Hermeline


_ Quelle joie de vous revoir, Messire Raoul.
Par ces mots, Messire Jehan, comte de la Margerie, accueillait son visiteur, un cavalier casqué, botté, crotté, pour lequel, vu son état, la route avait été longue avant qu’il se présente devant lui.

_ Vous m’ôtez les mots de la bouche, Messire Jehan, répondit le cavalier, cette joie est aussi mienne. Je suis bien aise de vous revoir, vous et votre vertueuse épouse, dame Hermeline.

Un serviteur aida alors Messire Raoul, vicomte de la Grivière, à mettre pied à terre et mena le cheval à l’écurie.

Le comte Jehan était le suzerain du vicomte Raoul. Leurs domaines étaient contigus, ce qui n’allait pas sans quelques petites frictions, mais tant que les sujets pouvaient se traiter à distance, les relations entre les deux hommes restaient cordiales

Pour l’heure, le vicomte venait soi-disant en visite officielle. Il était l’homme-lige du comte et donc tenu de respecter les usages en la matière, à savoir le renouvellement de l’hommage dû au suzerain. Tous les deux allaient pouvoir s’entretenir des préparatifs, régler les détails de la cérémonie prévue à cet effet.

Le comte ne voyait pas cette visite d’un bon œil. Certes, il fallait maintenir les traditions ; le renouvellement de l’hommage en était une, et pas des moindres. Il était même l’un des événements-phares pour ces nobles qui voyaient là l’occasion de se retrouver entre eux, et bénéficiait d‘un rituel inchangé depuis des lustres. Ce rituel débutait par l’hommage proprement dit, une cérémonie au caractère religieux. On y entendait les inévitables discours du suzerain et du vassal, tous deux se complimentant l’un l’autre à tour de rôle. Les valeurs de la chevalerie et sa vaillance y étaient bien sûr exaltées. La cérémonie préludait à toutes sortes de divertissements où les chevaliers se mettaient eux-mêmes en scène, des joutes, des parades, et autres, qui se succédaient alors. Avec en point d’orgue, un buffet à la hauteur supposée de l’événement, sinon des appétits, et sur lequel les uns et les autres se ruaient. Mais pour le comte, ce rituel, en plus d’être ruineux, était absurde et dépassé. Le vicomte était sensiblement du même avis, quoiqu’un peu plus en faveur du maintien. Tous deux étaient d’accord sur le sujet à une nuance près. On maintenait la tradition sans faire preuve d’un zèle excessif, ce qui se retrouvait assez souvent un peu partout. Alors, dans ces conditions, d’accord pour le renouvellement, un renouvellement où la forme l’emportait sur le fond.

Cependant, quelque chose faisait tiquer le comte. Ainsi, il se demandait bien pourquoi le vicomte n’avait pas d’escorte. A quoi rimait donc cette chevauchée solitaire qui l’avait amené à la Margerie et au cours de laquelle il avait dû traverser la forêt de Loubrigues, une forêt infestée de brigands ? la réponse allait de soi. Il ne voulait pas de témoin. L’affaire était sérieuse.

D’ailleurs, entre les deux seigneurs, la nature des conflits n’était pas exclusivement territoriale. On disait, et la rumeur était persistante, que Dame Hermeline avait eu des bontés pour le vicomte. Le comte ne l’ignorait pas ; mais l’épisode se situant avant son mariage, il n’eût pas été courtois d’en faire état devant elle et encore moins de lui demander des comptes ; de fait, ils n’avaient jamais évoqué le sujet entre eux. Toujours est-il que le comte déplorait la bonne figure que son épouse faisait au vicomte à chacune de ses apparitions ; on peut imaginer sans peine quelle était son humeur en accueillant le vicomte. Mais, en vérité, il était perplexe quant aux véritables motifs de cette visite, car si le renouvellement de l’hommage en était un, tout comme le désir de revoir Dame Hermeline, il pouvait y en avoir encore bien d’autres.

En tout cas, Messire Raoul était un vassal peut-être, mais un vassal d’importance et il convenait de le ménager, de bien le recevoir en premier lieu.

Messire Jehan invita le vicomte à le suivre. Les deux hommes allèrent d’un même pas se mettre à couvert. Quand ils eurent passé le seuil, le comte fit alors part au vicomte des dispositions qu’il avait prévues à son égard.

_ Vous venez de loin, lui dit-il. J’imagine que vous n’allez pas repartir de suite. Vous allez devoir rester quelque temps avec nous. Une chambre vous a été réservée. Vous y trouverez des vêtements secs et propres. Quand vous les aurez passés, vous pourrez nous rejoindre en bas. Des rafraîchissements sans doute bienvenus y seront servis. Dame Hermeline nous y attendra ; elle a toujours grand plaisir à vous recevoir.

Pour sa part, le vicomte avait grand soif et il aurait souhaité se désaltérer de suite, il lui était désagréable de devoir attendre. En l’envoyant ainsi se rhabiller, le comte lui paraissait se soucier assez peu, voire pas du tout, de ses besoins, de son bien-être. Cependant, si le vicomte n’appréciait pas de se voir dicter sa conduite, une conduite où se trouvait affirmée sa vassalité, il se rendait compte que son état n’était pas des plus reluisants et qu’il ne se présenterait pas ainsi sous son meilleur jour devant la comtesse. Pour la revoir, il valait mieux après tout en passer par les conditions du comte et faire taire son amourpropre. Il se résigna donc et se conforma aux dispositions prises par le comte.

Un serviteur l’accompagna jusqu’à sa chambre. Une servante lui apporta de l’eau chaude dans un broc. Quelques ablutions succinctes firent de lui un autre homme, du moins le pensait-il, pendant qu’il se mirait dans l’eau d’une cuvette. Suivant les instructions du comte, des vêtements propres et secs avaient été disposés sur le lit à son intention. Il les revêtit. S’étant rendu plus présentable, il alla rejoindre ses hôtes, qui l’attendaient dans la salle de réception, l’ancienne aula.

Comme pour tous les châteaux de ce temps, le confort n’avait pas été la préoccupation principale lors de la construction et de l’agencement de la Margerie. La salle où se tenaient les châtelains était des plus obscures. La lumière y parvenait difficilement, au travers d’ouvertures étroites. Le mobilier était des plus sommaires. Une table, quelques chaises, un coffre et c’en était terminé. Signe d’un événement exceptionnel, un feu avait été allumé dans la cheminée, mais il avait du mal à prendre et il fumait. Tel était le cadre, on n’ose dire le décor, dans lequel les châtelains recevaient le vicomte.

Comme on l’a dit, les deux époux recevaient. Pour l’occasion, ils s’étaient habillés. Ils s’étaient habillés comme on s’habillait en ce temps, ce qui consistait surtout à porter des vêtements de couleurs criardes. Le comte avait un pourpoint écarlate sur des chausses d’un jaune intense. La comtesse portait une robe bleu céruléen et elle avait sur la tête l’accessoire de mode de l’époque, le hennin. Ce hennin suivait les mouvements de tête de la comtesse, quand celle-ci, vive et spontanée, réagissait ainsi aux propos des uns et des autres. Il les amplifiait même. On pouvait juger gracieux ou grotesque un tel appendice, c’était selon.

Le vicomte revit Dame Hermeline avec grand plaisir. Dame Hermeline était une belle et grande femme. Elle avait le teint pâle, comme il seyait aux femmes en ce temps, mais elle était bien en chair, ce qui ne nuisait en rien à son genre de beauté.

Quant au comte, une maladie mal soignée lui avait laissé des traces sur le visage, qu’il avait tout grêlé. Il était grand et fort, mais il était difficile de lui trouver quelque autre qualité. Le vicomte le considérait comme un rustre aux manières peu policées et aux mœurs grossières, non qu’il fût dépourvu d’intelligence ou d’imagination, mais chez lui, elles se situaient à un niveau somme toute assez moyen. De fait, c’était par les soins de dame Hermeline que les affaires du domaine étaient gérées.

Contrairement au comte, le vicomte, lui, n’était pas spécialement beau. Il avait le visage chafouin et, au milieu de ce visage, un nez déjeté. On avait l’impression d’un être sournois, et l’on...

Erscheint lt. Verlag 4.3.2024
Sprache französisch
Themenwelt Literatur Romane / Erzählungen
ISBN-10 2-322-56759-0 / 2322567590
ISBN-13 978-2-322-56759-1 / 9782322567591
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