Les Essais (Version Intégrale, Livre 1, 2 et 3) -  Michel de Montaigne

Les Essais (Version Intégrale, Livre 1, 2 et 3) (eBook)

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2013 | 1. Auflage
446 Seiten
e-artnow (Verlag)
978-4-06-649778-3 (ISBN)
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Ce livre numérique présente Les Essais (Version Intégrale, Livre 1, 2 et 3) Michel de Montaigne, avec le texte original de 1580 et une table des matières dynamique et détaillée. Les Essais sont l'oeuvre majeure de Michel de Montaigne (1533-1592), à laquelle il travaille de 1572 jusqu'à sa mort. Ils traitent de tous les sujets possibles, sans ordre apparent : médecine, livres, affaires domestiques, chevaux, maladie entre autres, auxquels Montaigne mêle des réflexions sur sa propre vie et sur l'homme, le tout formant ' un pêle-mêle où se confondent comme à plaisir les choses importantes et futiles, les côtés vite surannés et l'éternel. ' Les Essais sont cependant devenus un livre universel, ' le seul livre au monde de son espèce ', un livre unique qui met sous les yeux du lecteur non pas simplement un homme en train de se décrire, mais une vie en train de se faire. Tout ce à quoi s'intéresse leur auteur se résume en effet en une seule question fondamentale : ' qu'est-ce que l'homme ? ' ou, plus exactement, ' que suis-je, moi, Michel Eyquem de Montaigne ? ' Pour saisir ce qu'est l'homme, Montaigne le décrit aussi bien dans ses misères que dans ce qu'il a de grand : les Essais dressent le portrait d'un être dans la moyenne, divers, ondoyant, et surtout plus riche que tous les modèles idéaux auxquels on s'efforce de l'identifier. Les Essais sont de ce point de vue à l'opposé de tout système philosophique ; si Montaigne cherche la réalité de la condition humaine, c'est à travers l'observation de ce qu'elle a de plus quotidien, de plus banal - chez lui comme chez les autres.

Chapitre 9
Des Menteurs




IL n’est homme à qui il siese si mal de se mesler de parler de memoire. Car je n’en recognoy quasi trace en moy : et ne pense qu’il y en ayt au monde, une autre si merveilleuse en defaillance. J’ay toutes mes autres parties viles et communes, mais en cette-là je pense estre singulier et tresrare, et digne de gaigner nom et reputation.

Outre l’inconvenient naturel que j’en souffre (car certes, veu sa necessité, Platon a raison de la nommer une grande et puissante deesse) si en mon pays on veut dire qu’un homme n’a point de sens, ils disent, qu’il n’a point de memoire : et quand je me plains du defaut de la mienne : ils me reprennent et mescroient, comme si je m’accusois d’estre insensé : Ils ne voyent pas de chois entre memoire et entendement. C’est bien empirer mon marché : Mais ils me font tort : car il se voit par experience plustost au rebours, que les memoires excellentes se joignent volontiers aux jugemens debiles. Ils me font tort aussi en cecy, qui ne sçay rien si bien faire qu’estre amy, que les mesmes paroles qui accusent ma maladie, representent l’ingratitude. On se prend de mon affection à ma memoire, et d’un defaut naturel, on en fait un defaut de conscience. Il a oublié, dict-on, cette priere ou cette promesse : il ne se souvient point de ses amys : il ne s’est point souvenu de dire, ou faire, ou taire cela, pour l’amour de moy. Certes je puis aysément oublier : mais de mettre à nonchalloir la charge que mon amy m’a donnee, je ne le fay pas. Qu’on se contente de ma misere, sans en faire une espece de malice : et de la malice autant ennemye de mon humeur.

Je me console aucunement. Premierement sur ce, que c’est un mal duquel principallement j’ay tiré la raison de corriger un mal pire, qui se fust facilement produit en moy : Sçavoir est l’ambition, car cette deffaillance est insurportable à qui s’empestre des negotiations du monde. Que comme disent plusieurs pareils exemples du progres de nature, elle a volontiers fortifié d’autres facultés en moy, à mesure que cettecy s’est affoiblie, et irois facilement couchant et allanguissant mon espritt et mon jugement, sur les traces d’autruy, sans exercer leurs propres forces, si les inventions et opinions estrangieres m’estoient presentes par le benefice de la memoire. Que mon parler en est plus court : Car le magasin de la memoire, est volontiers plus fourny de matiere, que n’est celuy de l’invention. Si elle m’eust tenu bon, j’eusse assourdi tous mes amys de babil : les subjects esveillans cette telle quelle faculté que j’ay de les manier et employer, eschauffant et attirant mes discours. C’est pitié : je l essayepar la preuve d’aucuns de mes privez amys : à mesure que la memoire leur fournit la chose entiere et presente, ils reculent si arriere leur narration, et la chargent de tant de vaines circonstances, que si le conte est bon, ils en estouffent la bonté : s’il ne l’est pas, vous estes à maudire ou l’heur de leur memoire, ou le malheur de leur jugement. Et c’est chose difficile, de fermer un propos, et de le coupper despuis qu’on est arroutté. Et n’est rien, où la force d’un cheval se cognoisse plus, qu’à faire un arrest rond et net. Entre les pertinents mesmes, j’en voy qui veulent et ne se peuvent deffaire de leur course. Ce pendant qu’ils cerchent le point de clorre le pas, ils s’en vont balivernant et trainant comme des hommes qui deffaillent de foiblesse. Sur tout les vieillards sont dangereux, à qui la souvenance des choses passees demeure, et ont perdu la souvenance de leurs redites. J’ay veu des recits bien plaisants, devenir tres-ennuyeux, en la bouche d’un seigneur, chascun de l’assistance en ayant esté abbreuvé cent fois. Secondement qu’il me souvient moins des offences receuës, ainsi que disoit cet ancien. Il me faudroit un protocolle, comme Darius, pour n’oublier l’offense qu’il avoit receue des Atheniens, faisoit qu’un page à touts les coups qu’il se mettoit à table, luy vinst rechanter par trois fois à l’oreille, Sire, souvienne vous des Atheniens, et que les lieux et les livres que je revoy, me rient tousjours d’une fresche nouvelleté.

Ce n’est pas sans raison qu’on dit, que qui ne se sent point assez ferme de memoire, ne se doit pas mesler d’estre menteur. Je sçay bien que les grammairiens font difference, entre dire mensonge, et mentir : et disent que dire mensonge, c’est dire chose fausse, mais qu’on a pris pour vraye, et que la definition du mot de mentir en Latin, d’où nostre François est party, porte autant comme aller contre sa conscience : et que par consequent cela ne touche que ceux qui disent contre ce qu’ils sçavent, desquels je parle. Or ceux icy, ou ils inventent marc et tout, ou ils déguisent et alterent un fons veritable. Lors qu’ils déguisent et changent, à les remettre souvent en ce mesme conte, il est mal-aisé qu’ils ne se desferrent : par ce que la chose, comme elle est, s’estant logée la premiere dans la memoire, et s’y estant empreincte, par la voye de la connoissance et de la science, il est mal-aisé qu’elle ne se represente à l’imagination, délogeant la fausceté, qui n’y peut avoir le pied si ferme, ny si rassis : et que les circonstances du premier aprentissage, se coulant à tous coups dans l’esprit, ne facent perdre le souvenir des pieces raportées faulses ou abastardies. En ce qu’ils inventent tout à faict, d’autant qu’il n’y a nulle impression contraire, qui choque leur fausceté, ils semblent avoir d’autant moins à craindre de se mesconter. Toutefois encore cecy, par ce que c’est un corps vain, et sans prise, eschappe volontiers à la memoire, si elle n’est bien asseuree. Dequoy j’ay souvent veu l’experience, et plaisamment, aux despens de ceux qui font profession de ne former autrement leur parole, que selon qu’il sert aux affaires qu’ils negotient, et qu’il plaist aux grands à qui ils parlent. Car ces circonstances à quoy ils veulent asservir leur foy et leur conscience, estans subjettes à plusieurs changements, il faut que leur parole se diversifie quand et quand : d’où il advient que de mesme chose, ils disent, tantost gris, tantost jaune : à tel homme d’une sorte, à tel d’une autre : et si par fortune ces hommes rapportent en butin leurs instructions si contraires, que devient ce bel art ? Outre ce qu’imprudemment ils se desferrent eux-mesmes si souvent : car quelle memoire leur pourroit suffire à se souvenir de tant de diverses formes, qu’ils ont forgées en un mesme subject ? J’ay veu plusieurs de mon temps, envier la reputation de cette belle sorte de prudence : qui ne voyent pas, que si la reputation y est, l’effect n’y peut estre.

En verité le mentir est un maudit vice. Nous ne sommes hommes, et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole. Si nous en connoissions l’horreur et le poids, nous le poursuivrions à feu, plus justement que d’autres crimes. Je trouve qu’on s’amuse ordinairement à chastier aux enfans des erreurs innocentes, tres mal à propos, et qu’on les tourmente pour des actions temeraires, qui n’ont ny impression ny suitte. La menterie seule, et un peu au dessous, l’opiniastreté, me semblent estre celles desquelles on devroit à toute instance combattre la naissance et le progrez, elles croissent quand et eux : et depuis qu’on a donné ce faux train à la langue, c’est merveille combien il est impossible de l’en retirer. Par où il advient, que nous voyons des honnestes hommes d’ailleurs, y estre subjects et asservis. J’ay un bon garçon de tailleur, à qui je n’ouy jamais dire une verité, non pas quand elle s’offre pour luy servir utilement.

Si comme la verité, le mensonge n’avoit qu’un visage, nous serions en meilleurs termes : car nous prendrions pour certain l’opposé de ce que diroit le menteur. Mais le revers de la verité a cent mille figures, et un champ indefiny.

Les Pythagoriens font le bien certain et finy, le mal infiny et incertain. Mille routtes desvoyent du blanc : une y va. Certes je ne m’asseure pas, que je peusse venir à bout de moy, à guarentir un danger evident et extresme, par une effrontee et solenne mensonge.

Un ancien pere dit, que nous sommes mieux en la compagnie d’un chien cognu, qu’en celle d’un homme, duquel le langage nous est inconnu. Ut externus alieno non sit hominis vice. Et de combien est le langage faux moins sociable que le silence ?

Le Roy François premier, se vantoit d’avoir mis au rouet par ce moyen, Francisque Taverna, ambassadeur de François Sforce Duc de Milan, homme tres-fameux en science de parlerie. Cettuy-cy avoit esté despesché pour excuser son maistre envers sa Majesté, d’un fait de grande consequence ; qui estoit tel. Le Roy pour maintenir tousjours quelques intelligences en Italie, d’où il avoit esté dernierement chassé, mesme au Duché de Milan, avoit advisé d’y tenir pres du Duc un Gentilhomme de sa part, ambassadeur par effect, mais par apparence homme privé, qui fist la mine d’y estre pour ses affaires particulieres : d’autant que le Duc, qui dependoit beaucoup plus de l’Empereur (lors principallement qu’il estoit en traicté de mariage avec sa niepce, fille du Roy de Dannemarc, qui est à present douairiere de Lorraine) ne pouvoit descouvrir avoir aucune praticque et conference avecques nous, sans son grand interest. A cette commission, se trouva propre un Gentilhomme Milannois, escuyer d’escurie chez le Roy, nommé Merveille. Cettuy-cy despesché avecques lettres secrettes de creance, et instructions d’ambassadeur ; et avec d’autres lettres de...

Erscheint lt. Verlag 15.4.2013
Sprache französisch
Themenwelt Literatur Romane / Erzählungen
ISBN-10 4-06-649778-0 / 4066497780
ISBN-13 978-4-06-649778-3 / 9784066497783
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