Les origines de l'intelligence : Déconstruire l'idée de l'inégalité des races (eBook)

INTRODUCTION

L’intelligence psychique représente, dans cet ouvrage, l’intelligence classique énoncée et débattue déjà depuis l’époque d’Aristote1. C’est l’intelligence de la dynamique consciente. Il n’est pas aisé de donner une définition couvrant toutes les facettes de ce type d’intelligence. D’après Pierre Oléron, « les définitions proposées pour le mot ‘‘intelligence’’ sont extrêmement diverses. […] Il renvoie à des observations, des résultats de comparaisons et d’expérimentations, ainsi qu’à des analyses théoriques ».2 Selon ces critères, l’intelligence est réduite à l’acte intelligent. Dès lors, sont considérés comme intelligents les Êtres vivants (Hommes, Animaux, Plantes) ou objets (machines) aptes à démontrer des comportements intelligents. Or le conditionnement, l’hypnose, l’inconscient ou encore la programmation informatique peuvent permettre à ces Êtres de manifester des actes ou comportements intelligents. Dans ce cas, ces Êtres ne seraient pas à l’origine de la production de cette intelligence. Ils n’agiraient que comme intermédiaire d’un processus initié par d’autres instances ou Êtres intelligents. Par conséquent, ils ne seraient que des exécutants. Par exemple, l’intelligence musicale est une des sept formes d’intelligence décrites par Howard Gardner3. Les aptitudes manifestées par cette forme spécifique d’intelligence sont le fruit d’un effet d’automatismes né d’un entraînement intense et éventuellement d’un don inné qui facilite l’apprentissage. Comme nous l’avons déjà analysé et comme nous le verrons de part et d’autre infra, pareilles aptitudes sont régies exclusivement par l’intelligence de l’inconscient. Savoir jouer de la flûte et savoir fabriquer une flûte sont ; pour l’essentiel, des aptitudes régies respectivement par l’intelligence de l’inconscient et par l’intelligence psychique. De même, l’autre forme est l’intelligence corporelle-kinesthésique. C’est celle qui assure la coordination des mouvements. Elle aussi est une aptitude régie par l’intelligence de l’inconscient. Savoir sauter, capter un ballon de rugby en plein duel et retomber sur ses pieds sans se faire une entorse est l’apanage de la dynamique de l’inconscient. Là aussi, il y a l’impact de l’entraînement et éventuellement celui du don inné favorisant l’apprentissage. De même, se tenir en équilibre sur un vélo est régi par cette même dynamique de l’inconscient. Tandis que poser des stratégies de jeux au cours du match ou en course est du ressort de la dynamique du conscient et, donc, de l’intelligence psychique. En ce qui concerne l’intelligence interpersonnelle, l’empathie est aussi rattachée à l’inconscient humain. Pour la plupart4, les formes d’intelligences explicitées par Gardner sont des facultés essentiellement régies par l’intelligence de l’inconscient.

En guise de rappel, depuis le Livre 1, nous avons démontré que l’intelligence de l’inconscient et l’intelligence psychique appartiennent chacune à une dynamique humaine distincte. Chacune d’elle agit dans un champ bien défini et exclusif. La première capte tous les manques (besoins et désirs) intrinsèques ou endogènes au corps et les transmet à la dynamique consciente. Elle gère ainsi tout l’univers interne au corps. Tandis que l’intelligence psychique analyse et gère tous les environnements externes au corps afin d’y capter les ressources ou opportunités devant satisfaire à ces divers manques du corps. Seule cette forme d’intelligence est apte à « s’approprier » les divers environnements externes en les modifiant avec logique et cohérence, en analysant avec perspicacité toutes les opportunités permettant d’assurer la conservation (survie & bien-être), etc. Dès lors, elle permet à l’Être humain la création de multiples Biens et Services répondant à l’ensemble de ses besoins et désirs.

En considérant les ambiguïtés qui relèvent de la définition même de la notion d’intelligence, voici les balises et l’ossature qui régissent l’acception que nous lui accordons. D’abord, la manifestation de l’intelligence de tout Être doit avoir un but. Alfred Binet considère qu’elle « sert à nous adapter mieux au milieu physique de la nature »5. Ensuite, nous considérons que la manifestation de cette forme d’intelligence est l’apanage exclusif de la dynamique consciente. De ce fait, l’Être posant l’acte intelligent en est à l’origine via son « moi ». Et, comme nous l’avons souligné dans le premier Livre, cette manifestation aboutit à la production d’idées, à leur diffusion et/ou à leur réalisation. Toutes sortes d’idées, peu importe leurs valeurs, sont captées exclusivement par la dynamique du conscient des certains groupes d’Êtres vivants (Homme, Animal) pour satisfaire à divers manques tout en tenant compte des circonstances changeantes du milieu dans lequel ils évoluent. En d’autres termes, tout Être dit intelligent doit avoir une dynamique consciente et doit être capable de produire ses propres idées à partir de cette dynamique. Cette balise se rapproche de la définition proposée par David Layzer6 selon qui « l’intelligence est une adaptation biologique dont la caractéristique la plus distinctive est la plasticité. (Elle) se manifeste dans l’aptitude à apporter des réponses efficaces à des « défis » environnementaux nouveaux et à utiliser de manière créative l’expérience passée appropriée. »7 Par conséquent, nous allons retenir la définition qui cadre avec la logique développée par la Psychanthropologie. A savoir, l’intelligence psychique est une aptitude psychique qui permet aux Êtres vivants de capter des idées devant leur servir à satisfaire à l’ensemble de leurs besoins et de leurs désirs.

Dans la littérature, il est recensé quelques méthodes visant à prouver ou à démontrer l’existence et les conditions d’émergence de l’intelligence psychique chez certains Êtres vivants. Parmi elles, on cite, entre autres, l’empirisme associé à Aristote ; l’associationnisme associé à Locke ; le behaviourisme associé à John Broadus Watson et Edward Lee Thorndike8 ; la sélection naturelle de Darwin9. Dans son traité sur l’Âme10, « Aristote adopte une approche délibérément naturaliste dans laquelle est affirmée la primauté du monde sensoriel et des images, ces dernières rendant la pensée possible. A la naissance, l’esprit est une tabula rasa [table rase] sur laquelle l’expérience sensorielle inscrira nos connaissances »11. Dans son ouvrage Essai sur l’entendement humain12, Locke défend l’idée selon laquelle c’est des sensations que provient la connaissance. Cette idée est très proche de la logique d’Aristote. Locke considère que « l’esprit, attribut exclusivement humain, peut être comparé à une page blanche sur laquelle les sensations viennent inscrire les idées simples (on dirait aujourd’hui les représentations) qui, en se combinant par le moyen des puissances internes de l’esprit (volonté, mémoire, attention), produisent des idées générales comme celles d’identité ou d’infini »13. Une interprétation de cette position lockéenne serait de dire, par exemple, que les sens révèlent les manques physiologiques du corps (la faim, la soif, etc.). Ces manques poussent l’Être à chercher des solutions, toujours à l’aide des sens14, dans ses divers environnements. L’expérience ouvre la porte à la connaissance. Leibniz partage, avec Locke, l’importance de l’expérience. Mais, dans le Livre I de Nouveaux essais sur l'entendement humain15, il réfute la considération lockéenne suivant laquelle seuls les sens produisent les idées. Leibniz considère que chaque Être humain...