En quête de galaxies (eBook)
256 Seiten
Books on Demand (Verlag)
978-2-322-53251-3 (ISBN)
Roland Bacon est astrophysicien, directeur de recherche émérite au CNRS et membre du Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, qu'il a dirigé pendant une décennie. Ses travaux se concentrent sur la formation et l'évolution des galaxies ainsi que sur l'instrumentation des grands télescopes. Pionnier dans le développement de la spectrographie 3D ou intégrale de champ, il a été à l'origine et à la direction de nombreux projets majeurs, parmi lesquels le projet MUSE pour le Very Large Telescope de l'Observatoire Européen Austral (ESO), qui a rencontré un succès international retentissant. Il a également bénéficié de prestigieuses bourses de recherches, notamment celle du Conseil Européen de la Recherche. Sa carrière a été couronnée par de nombreuses distinctions décernées par des académies et sociétés savantes à travers l'Europe. Auteur ou co-auteur de plus de 400 publications scientifiques, il a également écrit, avec Guy Monnet, une monographie de référence sur la spectrographie 3D. En parallèle à sa carrière scientifique, Roland Bacon s'engage activement dans la diffusion des connaissances scientifiques et techniques, notamment en tant que membre du Comité Scientifique du Musée des Confluences à Lyon. Il est l'auteur de plusieurs documentaires et a crée, en collaboration avec la compagnie de danse Hallet-Eghayan, un spectacle vivant sur l'origine de l'Univers.
2
L’œil du TIGRE
1981-1996
Naissance de la spectrographie
intégrale de champ
Mystérieuses galaxies
Les galaxies m’ont toujours fasciné. Composées de centaines de milliards d’étoiles, ce sont les plus grandes structures de l’Univers après les amas de galaxies et l’Univers lui-même. Des univers-îles, comme les imaginait le philosophe Emmanuel Kant4. Parmi toutes les sortes de galaxies, les plus belles et les plus spectaculaires sont les galaxies spirales. C’est un spectacle grandiose que d’observer ces milliards d’étoiles comme autant de soleils rassemblés dans un immense disque avec ces grands bras spiraux qui s’enroulent autour du bulbe central tels des volutes de fumée. Et, sculptées sur cette surface lisse, des régions sombres obscurcies par la poussière alternent avec des zones brillantes piquetées de jeunes étoiles qui rayonnent d’un éclat bleu intense.
Rien d’étonnant qu’à l’heure du choix, au sortir du diplôme d’études approfondies (DEA), je me sois tourné vers un sujet de thèse consacré aux galaxies. Après tant d’années passées à approfondir et à restituer des connaissances dans un cadre normalisé, j’allais enfin pouvoir me plonger dans un problème original, sans solution préalable.
C’est en 1981, par une belle journée de juin, que je me présente à l’Observatoire de Lyon pour rencontrer Guy Monnet, directeur de cette noble institution et mon futur directeur de thèse. L’observatoire domine la commune de Saint-Genis-Laval, au sud de Lyon. On y accède par une petite rue baptisée pompeusement avenue Charles André, du nom de l’astronome fondateur de l'établissement. En entrant dans l’enceinte de l’observatoire, je suis frappé par l’ambiance fin XIXe du lieu. Parmi les grands pins, une belle demeure à ma gauche, justement celle du directeur.
À cet instant, je suis loin de me douter qu’un jour, je deviendrai directeur de l’Observatoire et que j’habiterai cette imposante maison pendant dix ans. Pour le moment, je cherche mon chemin, car j’ai rendez-vous dans le bâtiment administratif. J’observe une espèce de cabanon en métal à côté d’un bâtiment qui me paraît assez mal entretenu. Un peu plus loin, une affreuse construction moderne, sorte de hangar métallique. Je suis le panneau « administration » et trouve, en contrebas, une grande bâtisse couleur béton sans caractère.
En entrant dans le bâtiment administratif, je me demande si j’ai fait le bon choix en sélectionnant l’Observatoire de Lyon. L’Observatoire de Toulouse, que j’avais quitté pour Lyon, venait tout juste de déménager au sein du campus de l’université, dans un bâtiment tout neuf, moderne et fonctionnel. Trop tard pour faire marche arrière. On m’avait dit beaucoup de bien de Guy, et les hommes sont plus importants que les infrastructures, me dis-je pour me rassurer un peu.
Je frappe à la porte du bureau du directeur. Un homme à l’allure plutôt jeune, habillé simplement, au regard pétillant, vient m’ouvrir. Je me présente. « Ah, c’est vous, me dit-il, je vous attendais hier. » Surpris, je bredouille un vague « Comment ? » « Je n’ai pas pu me tromper, car notre rendez-vous tombait un jour bien particulier. Voyez-vous, hier était le jour de mon anniversaire », insiste Guy. Je me confonds en excuses. Comment ai-je pu me tromper sur la date d’un rendez-vous aussi important ? Je me sens misérable, comme souvent lorsque mon étourderie me plonge dans une situation embarrassante. Guy ne semble pas s’en offusquer et il m’explique, avec force détails, le sujet de thèse.
Ce jour-là, je ne compris pas grand-chose, mais le discours passionné et passionnant de Guy sur les mystérieuses galaxies elliptiques acheva de me convaincre. À la fin de l’entretien, je signai des deux mains et pris rendez-vous en septembre pour commencer la thèse.
Celle-ci portait sur les galaxies elliptiques. Ces galaxies, qui se présentent sous une forme oblongue et diffuse, sont en apparence moins spectaculaires que les grandes galaxies spirales. En apparence seulement, car de nouvelles observations venaient de remettre en cause la théorie communément admise.
Tout travail de thèse commence systématiquement par un travail de bibliographie. Il s’agit de faire le tour de ce qui a été publié sur le sujet. C’est assez fastidieux, mais c’est aussi une bonne façon de se familiariser avec les codes d’écriture de la littérature scientifique5. Contrairement à ce que laisse entendre le terme de littérature, il ne faut pas s’imaginer avoir affaire à du Shakespeare, et heureusement, vu la qualité de mon anglais. Il s’agit d’aller à l’essentiel dans un anglais rudimentaire, d’expliquer sa démarche et de présenter ses résultats, mais surtout de ne pas oublier de citer ses collègues et tous ses propres travaux antérieurs, même s’ils n’ont que peu de relation avec le travail présenté. Avec le temps, on apprend à décoder le texte. Par exemple, la phrase « l'auteur remercie le referee pour ses remarques constructives » peut se traduire à peu près de la façon suivante : « Après plusieurs échanges hostiles avec le referee, j'ai accepté, de guerre lasse, d’enlever dans le texte tout ce qui contredisait ses travaux. » Mais, à ce moment-là, tout était encore neuf pour moi. J’avalais donc tous les papiers traitant des galaxies elliptiques, ce qui me permit de commencer à cerner mon sujet de thèse.
Une galaxie est composée d’une centaine de milliards d’étoiles, chacune animée de son propre mouvement. Compte tenu du nombre d’étoiles, le calcul de toutes leurs trajectoires est impraticable, et même inutile, puisque nous nous intéressons au mouvement d’ensemble. Nous recourons à une méthode statistique, comme dans l’étude des propriétés d’un gaz. En effet, plutôt que de détailler le mouvement de chaque molécule, on identifie une grandeur statistique qui caractérise l’agitation moyenne des molécules : la température. Pour les galaxies, nous parlons plutôt de dispersion des vitesses, mais cela revient fondamentalement au même.
Dans la classification de Hubble, les galaxies elliptiques sont identifiées par leur aplatissement apparent, depuis la forme circulaire jusqu’à la forme la plus allongée. Si certaines galaxies sont plus aplaties que d’autres, ce ne peut être que parce qu’elles tournent plus vite. En effet, en l’absence de mouvement de rotation d’ensemble, les mouvements désordonnés des étoiles donnent une forme sphérique à la galaxie. Toutefois, en présence de rotation, la forme d’équilibre de la galaxie est alors aplatie comme un ballon de rugby dans la direction perpendiculaire à l’axe de rotation. Ainsi, plus une galaxie tourne vite, plus elle est aplatie. Mais des mesures récentes venaient de montrer qu’il n’en était rien. Quel était donc ce mécanisme qui donne cette forme oblongue aux galaxies elliptiques ? Y avait-il un lien avec les trous noirs supermassifs supposés habiter au centre de ces galaxies ?
Face à des questions comme celles-ci, nous recourons à des techniques de modélisation. Un modèle est une sorte d’expérience virtuelle. Le chercheur commence par poser des hypothèses afin de simplifier le problème, puis il formalise la question grâce aux mathématiques. Enfin, il injecte les faits d’observation et recherche les solutions du système, le plus souvent numériquement. La modélisation joue un grand rôle en astronomie, car les véritables expériences sont difficiles à réaliser : allez donc peser une galaxie ou l’empêcher de tourner pour voir ce qu’il s’y passe !
Mon travail était donc de développer un modèle qui permette de reproduire le nouveau fait observationnel : certaines galaxies elliptiques sont aplaties, mais ne tournent pas. Je n’étais pas le premier à travailler sur la question. Il fallait donc trouver une approche originale. Dans la plupart des publications, les auteurs s’étaient attachés à reproduire les galaxies de forme sphérique. Avec Guy, nous pensions qu’il fallait tout au contraire se concentrer sur les galaxies aplaties. Le formalisme mathématique devient alors dans ce...
Erscheint lt. Verlag | 23.9.2024 |
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Sprache | französisch |
Themenwelt | Naturwissenschaften ► Physik / Astronomie ► Astronomie / Astrophysik |
ISBN-10 | 2-322-53251-7 / 2322532517 |
ISBN-13 | 978-2-322-53251-3 / 9782322532513 |
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Größe: 12,4 MB
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