Matriochkas -  Lylia Nezar

Matriochkas (eBook)

les héritières

(Autor)

eBook Download: EPUB
2024 | 1. Auflage
222 Seiten
Books on Demand (Verlag)
978-2-322-53138-7 (ISBN)
Systemvoraussetzungen
7,49 inkl. MwSt
  • Download sofort lieferbar
  • Zahlungsarten anzeigen
"je m'appelle Aïcha mais j'aurais dû m'appeler Samia." Des prénoms et des femmes. Une Saga où se mêlent et s'entremêlent le rôle de la mère, l'influence de la soeur, l'importance de la grand-mère, l'effacement de l'épouse, la détermination de la tante et ce, en traversant quelques décennies d'une société algérienne en perpétuelle effervescence. Roman à fiction polyphonique, il dessine une chromatographie du sentiment féminin surfant entre le rêve qui engendre l'espoir, les amours étouffées par l'interdit, les joies éphémères laissant place à l'abdication, parfois au renoncement. Loin du cliché de la femme-mère, la saga dresse une galerie féminine beaucoup plus personnelle qui permet de découvrir l'intimité cachée, enfouie, préservée du regard d'autrui. Un plongeon dans un univers psychologique méconnu, souvent occulté ... à découvrir.

Diplômée en Sciences Politiques de l'Université Lyon III, Lylia NEZAR est passionnée de littérature et de philosophie. Auteure d'un recueil de poésie Eva-Naissance en 2021 qui a reçu un accueil chaleureux. Ses écrits s'inscrivent dans le dialogue interculturel ainsi que la promotion de l'écriture au féminin. Matriochkas, les héritières est son premier roman, édité en Algérie en 2024 chez Hibr Edition.

CHAPITRE 2


Aziza

Dix heures trente du matin, nous sommes déjà de retour à la maison familiale.

C’est une belle journée ensoleillée, le ciel est bleu, les oiseaux au loin chantent une mélodie joyeuse. J’ai comme l’impression que la nature se pare de ses plus beaux atours pour souhaiter la bienvenue à ma fille.

Quelques femmes parentes et voisines viennent me féliciter. Elles prennent ou embrassent le bébé qui somnole. Ma mère me garde un long moment dans ses bras. Elle m’invite à me reposer et à dormir un peu avant l’arrivée massive des invités, car j’ai besoin de reprendre des forces pour allaiter.

« Va dans ta chambre. Je t’y accompagne », me dit-elle.

J’accueille sa proposition avec plaisir, un peu de repos après ce bref séjour à l’hôpital me ferait le plus grand bien.

Dès que la porte de la chambre est fermée, elle sort de sa poitrine un mouchoir blanc à carreaux bleus contenant un objet. Elle me le tend. Je le saisis étonnée et ressens encore la chaleur du aboune3 de ma mère au moment de l’ouvrir.

– Yemma4, c’est ton khayt er-rouh5, pourquoi tu me le donnes ?

– Je l’ai moi-même reçu de ma mère au moment de ta naissance et maintenant que tu as une fille, il te revient de droit. C’est mon cadeau pour vous deux.

Je me saisis du magnifique bijou serti de pierres précieuses. Je suis émue et reconnaissante de le recevoir. Un jour il appartiendra à ma Samia.

Je la remercie plusieurs fois et l’embrasse tendrement. Il me semble percevoir la bénédiction de mes aïeules à travers ce don et un sentiment de paix m’envahit.

Je m’allonge dans mon lit et commence à m’assoupir, rassurée de laisser Samia dans les bras affectueux de ma mère.

A mon réveil, l’après-midi est déjà bien entamé. Je rejoins la famille dans le séjour où certains finissent de déjeuner pendant que d’autres sirotent un café. Samia est dans les bras de sa grand-mère. Dès qu’elle entend ma voix, elle commence à gigoter et à bouger ses petites mains potelées. Je crois qu’elle a faim parce que quelques gouttes de lait s’écoulent de mon sein par anticipation et commencent à mouiller mon soutiengorge. Je demande gentiment à la reprendre pour la nourrir.

Ma belle-mère me la remet délicatement en s’adressant à l’assistance, une lueur de fierté dans les yeux :

– Aïcha tient de son papa, je me souviens de Kaddour bébé. Il avait tout le temps faim, jamais rassasié.

Certaines tantes âgées confirment ses dires et ajoutent quelques anecdotes sur leurs propres enfants.

Je reprends la petite avec le sourire :

– Lalla, ma fille s’appelle Samia, pas Aïcha…

– Ah non, elle s’appelle bien Aïcha, comme ma mère, assigne-t-elle.

Je suis étonnée mais j’insiste :

– Je crois que c’est un malentendu. Nous avons décidé de l’appeler Samia et son père est d’accord. D’ailleurs, le prénom était choisi depuis longtemps déjà.

A ce moment précis, mon mari entre dans la pièce, légèrement essoufflé. Le silence se fait autour de nous et tous les convives commencent à quitter le lieu discrètement un à un ayant senti comme un malaise qui plane, même ma mère sort à reculons pour nous laisser un peu d’intimité.

Je suis en colère contre ma belle-mère qui veut encore nous imposer jusqu’au prénom de notre fille, mais aussi rassurée, son fils va lui expliquer que nous avons choisi et que, pour une fois dans notre couple, nous allons faire selon nos vœux et non selon ses ordres à elle.

Il regarde El Hadja, la salue et dit :

– Je reviens de la mairie, j’ai enfin pu déclarer l’enfant. Il y avait un monde fou… ça m’a pris beaucoup de temps, mais c’est réglé.

Je saute sur l’occasion et lui dit d’une voix que je voulais douce et aimante :

– Lalla pense que la petite s’appelle Aïcha…

– Eh bien, c’est comme ça que je l’ai prénommée après la suggestion judicieuse de Yemma, me répond-il stoïque.

Je n’y comprends plus rien… Alors, je répète :

– Mais notre fille s’appelle Samia, tu étais d’accord, depuis le début, bien avant sa naissance !

Il me regarde, un peu gêné, puis s’adresse à moi en regardant sa mère avec une lueur de dévotion et de reconnaissance et proclame :

– El Hadja préfère Aïcha, comme ma grand-mère maternelle. C’est un prénom aimé et apprécié dans notre religion, porté par l’épouse de notre Prophète et par mon aïeule respectée. Et ça me fait plaisir de faire plaisir à ma mère. C’est un honneur que El Hadja nous fait en donnant ce beau prénom à ma fille et, de toute façon, Aïcha ou Samia, ça ne change rien pour la petite !

Pour la première fois depuis notre mariage, je ne suis pas d’accord et je le fais savoir. Je pique une crise de nerfs. Mon audace est peut-être due à une possession de djinns qui rôdent toujours autour des accouchées et des nouveau-nés, qu’Allah nous protège ! Fatigue et mélancolie habituelle à la suite de l’accouchement, peu importe la cause, je crie et gesticule comme je ne l’ai jamais fait.

Je suis prise à la gorge par une espèce d’angoisse irrationnelle. J’ai comme l’impression que, si c’est Lalla qui choisit le prénom, ma fille aurait une part de sa noirceur, de sa méchanceté, un côté sombre propre à sa grand-mère qui me terrorise… Même si je ne veux pas l’admettre, sans être foncièrement superstitieuse mais quand même un peu, je suis terrifiée par l’intrusion de cette femme et son rôle dans le destin de mon enfant.

En résistant, je veux protéger mon ange, la mettre à l’abri d’un sortilège vrai ou imaginaire véhiculé par sa propre grand-mère.

Aïcha « la vivante », comme si elle avait miraculeusement échappé à la mort, comme s’il fallait encore et encore confirmer son existence.

Ce prénom me donne froid dans le dos et transforme mon cœur en un morceau de glace. J’en ai la chair de poule.

Je le refuse, je le refuse, je le refuse !

Je prends mon courage à deux mains et je leur dis :

– Si, pour moi ça change tout. C’est ma fille et c’est moi qui décide du prénom. Elle s’appelle Samia et elle le restera!

Kaddour se lève, s’approche de moi, les yeux grands ouverts, exorbités lançant des éclairs, le visage rouge. Il tremble de colère. C’est la première fois que je le vois dans cet état. Il est probablement étonné par ma réaction, je ne lui ai jamais tenu tête, jamais désobéi depuis le premier jour dans sa maison. Et au moment où je m’y attends le moins, il m’assène une gifle monumentale qui me fait vaciller. Je prends mon appui sur une chaise, à proximité, pour rester debout.

« Tant que je suis le chef de cette famille crie-t-il, toi et ta fille, vous ne comptez pas ! Ma mère est un diadème sacré posé sur ma tête et sur la tienne ! Quand vas-tu enfin le comprendre et la respecter ? Tu pourras faire et dire ce que tu veux, c’est moi seul qui prends les décisions, mets-toi bien ça dans le crâne, Ya mra6 ! »

Ses mots sont d’une telle violence que je reste sonnée. Son attitude et sa gifle sont douloureuses. Je me sens déchirée, fissurée, je baisse la tête révoltée et honteuse. Que puis-je faire? Que puis-je ajouter ?

De l’autre côté de la pièce, le regard triomphant de Lalla m’achève. Son demi-sourire sournois est le sel posé sur ma plaie.

Elle a encore gagné.

Et moi, encore une fois, je suis humiliée par mon propre mari.

A partir de ce jour, ma fille a porté le prénom de Aïcha, à mon corps défendant.

3. Aboune : Poitrine de femmes où elles rangeaient souvent des objets de valeur ou leur argent durant la journée.

4. Yemma : Ma mère,...

Erscheint lt. Verlag 27.5.2024
Sprache französisch
Themenwelt Literatur
ISBN-10 2-322-53138-3 / 2322531383
ISBN-13 978-2-322-53138-7 / 9782322531387
Haben Sie eine Frage zum Produkt?
EPUBEPUB (Wasserzeichen)
Größe: 477 KB

DRM: Digitales Wasserzeichen
Dieses eBook enthält ein digitales Wasser­zeichen und ist damit für Sie persona­lisiert. Bei einer missbräuch­lichen Weiter­gabe des eBooks an Dritte ist eine Rück­ver­folgung an die Quelle möglich.

Dateiformat: EPUB (Electronic Publication)
EPUB ist ein offener Standard für eBooks und eignet sich besonders zur Darstellung von Belle­tristik und Sach­büchern. Der Fließ­text wird dynamisch an die Display- und Schrift­größe ange­passt. Auch für mobile Lese­geräte ist EPUB daher gut geeignet.

Systemvoraussetzungen:
PC/Mac: Mit einem PC oder Mac können Sie dieses eBook lesen. Sie benötigen dafür die kostenlose Software Adobe Digital Editions.
eReader: Dieses eBook kann mit (fast) allen eBook-Readern gelesen werden. Mit dem amazon-Kindle ist es aber nicht kompatibel.
Smartphone/Tablet: Egal ob Apple oder Android, dieses eBook können Sie lesen. Sie benötigen dafür eine kostenlose App.
Geräteliste und zusätzliche Hinweise

Buying eBooks from abroad
For tax law reasons we can sell eBooks just within Germany and Switzerland. Regrettably we cannot fulfill eBook-orders from other countries.

Mehr entdecken
aus dem Bereich
Kurzgeschichten

von Katrin Sobotha-Heidelk

eBook Download (2023)
Lehmanns Media (Verlag)
9,99

von Bram Stoker

eBook Download (2022)
Steidl Verlag
24,99
Prosa

von Michel Tapión

eBook Download (2023)
Buchschmiede von Dataform Media GmbH (Verlag)
8,99