Travail Famille pas triste -  Christian Lacape

Travail Famille pas triste (eBook)

Mémoires tome 2
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2024 | 1. Auflage
388 Seiten
Books on Demand (Verlag)
978-2-322-49407-1 (ISBN)
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Don Quichotte, Don qui chute, Don qui chuchote : ce livre est l'histoire d'un urbaniste utopiste qui voulait "changer la ville pour changer la vie" après le 10 mai 1981, qui a échoué, avec beaucoup d'autres, et qui confie son épopée. Mais le boulot lui a apporté aussi de belles excitations et satisfactions. Et d'ailleurs il n'y a pas que le boulot dans la vie, loin de là ! Quoi d'autre ? Eh bien, l'amour, les amitiés, une vie de famille, l'éducation "ne pas lâcher quand il faut tenir, ne pas tenir quand il faut lâcher", Sartre, Montaigne, une psychanalyse, l'adieu au parti communiste, Belfast, Jérusalem, Edgar Morin, Ken Loach, Maalouf, Mnouchkine, l'air du temps bien vivant avec les extraits de son journal, les années Mitterrand, les mots de Léo, les mots de Césaire, l'ascension sociale de Mamadou, un jour de l'an sur une île déserte, des bouts de poème, des chefs à 3 plumes, mais pas de raton laveur.

Christian Lacape est urbaniste, retraité "Travail famille pas triste" est le deuxième tome de ses mémoires. Le premier tome, qui portait sur la période 1949-1982, est publié sous le titre "de briques et de broques" et le pseudonyme Christian Alpace, aux éditions l'Harmattan

On commence par l’amour


La nuit enchantée s'achève, le charme se dilue dans la lente lueur de l’aube. Des mois, des années de désir se sont délicieusement consumés dans ce minuscule ilot de temps hors du temps, un désir de corps, de lèvres, de regards, de mots, un désir d’amour, un désir partagé, trop longtemps contenu par la timidité, l'orgueil, la peur d'être rejeté.

La nuit enchantée s'achève, je la regarde dormir, ce n’était donc pas un rêve ; c’était un rêve, il faut aller au boulot : retirant les bottes de sept lieues, je chausse mes semelles de plomb, avec d'autant plus de mal que je ne sais pas si les bottes magiques seront encore là ce soir. Il faut donc retourner plonger dans le monde glacé des technocrates, des bilans financiers, des procédures, des rapports de force.

En ce mois de juin 1982, où "nous nous connûmes", Isabelle et moi, je commençais à m'ennuyer ferme à la SAERP1 ; après des mois de travail acharné dans l'angoisse, j'avais fini par apprendre mon métier d'urbaniste opérationnel, par maîtriser l'exercice des responsabilités, et par construire une confiance en moi. Mais le plaisir de cette confiance et de cette maîtrise, chèrement acquises, commençait à faiblir ; la cravate et le costume de technocrate m'étouffaient à présent et j'avais la sensation écœurante de gâcher ma jeunesse, de passer à côté de la vraie vie.

Ce matin-là, après avoir prévenu ma secrétaire que j'étais "sur le terrain", je traîne longtemps au troquet, je savoure mon grand crème et mon croissant, tout engourdi par le plaisir et le manque de sommeil, je parcours d’un œil distrait l'Huma, ou Libé je ne sais plus, indifférent à toutes ces guerres, aux Malouines, au Liban. J'ai oublié où j'ai garé ma R5, étourdi que j’étais dans la folle excitation d'hier soir. Je la retrouve à cheval sur un trottoir. Allez en route, les Stones à fond pour m'insuffler de l'énergie, rue Raymond Losserand, avenue du Maine, boulevard des Invalides, le pont de la Concorde, ah ! le spectacle me tire de ma somnolence là où le rock’n’roll avait échoué, le soleil qui s'éclate en milliers de parcelles dansantes sur la Seine, qui fait briller la verrière du Grand Palais et les chevaux d'or du pont Alexandre III, le Louvre majestueux, au loin les tours massives de Notre Dame et la fine flèche de la Sainte Chapelle, Paris tout ensoleillé rentre dans la voiture et dans mon cerveau, la beauté de la ville y rejoint le bonheur de la nuit, j'éteins les Stones qui ne vont pas dans le décor, qui n'est pas un décor, mais un bain dans lequel je suis tout entier immergé, la joie m'inonde, jusqu'à humecter mes yeux, je me laisse couler doucement dans ce bien-être voluptueux quand les klaxons furieux m’arrachent à ma jouissance, je finis par gagner le parking de la Concorde2.

Je me pousse jusqu'à l'ascenseur de l'immeuble cossu du 12 de la rue du faubourg Saint Honoré, et je me précipite dans mon bureau sans affronter les regards que je suppose moqueurs quant à mon arrivée tardive, personne, dans cette petite société d’une vingtaine de personnes, n'étant dupe sans doute de mes débuts de journée "sur le terrain" de plus en plus fréquents (En ces temps d'horaires rigides 9h-18h j'avais bâti la théorie selon laquelle à 9h1/2 on est en retard, à 10h1/2 on était occupé, une théorie tout à fait valable appliquée avec discernement, mais dont j'abusais beaucoup en cette période ; cette manœuvre n’était pas contradictoire avec ma ponctualité lors de mes nombreux vrais rendez-vous, je n’aimais pas les retards, les miens comme ceux des autres). Réfugié dans mon bureau, abruti de sommeil, je fuis la décourageante pile de dossiers dans de douces rêveries, sur la nuit dernière et sur un avenir que je me retiens de caresser trop longuement. Une petite voix aiguë m'arrache soudain à ma tendre somnolence : "Dites Lacape, vous en êtes où sur les PRD du Kremlin ?» ; vaguement coupable de mon retard et de ma motivation ratatinée, et encore animé d'un certain sens de la hiérarchie, je n'ose pas demander à mon directeur de frapper avant d'entrer dans mon bureau, je réponds en forçant sur le ton sérieux et sûr de moi "J'attends l'estimation du démolisseur et le calcul des frais financiers par la compta".

Les PRD, prévisions de recettes-dépenses, étaient alors le temps fort dans la vie des sociétés d'économie mixte du réseau SCET, filiale de la Caisse des Dépôts : cette grande messe annuelle consistait à estimer le budget de l'année à venir, pour chacune des opérations de la société (une vingtaine) afin de déterminer les besoins en trésorerie à fournir par la Caisse des Dépôts, mais aussi la rémunération prévisionnelle de la SCET en contrepartie de son assistance. De longues séances de négociations s'ensuivaient, qui duraient plusieurs jours, où chaque chiffre était minutieusement épluché par la SCET, qui demandait invariablement qu'on accélère les acquisitions, les travaux, les ventes de terrains, assiettes de sa rémunération, des demandes pas toujours conscientes des complexes réalités du terrain.

J'ai vécu les dernières années d'un système très bien organisé qui a permis d'équiper la France rapidement et efficacement des années 50 aux années 80 : la maison mère, la Caisse des Dépôts, à l’époque, n’était pas qu’un banquier, mais également le principal outil public d’aménagement du territoire, sous l’impulsion de François Bloch-Lainé, un des rares grands commis de l’Etat, selon mon père qui l’admirait : elle a créé, dans les années 50, deux filiales, la SCET et la SCIC, pour remédier à la pénurie de logements (l’appel de l’abbé Pierre en février 1954, « mes amis, au secours, une femme vient de mourir gelée… », avait ému la France) ; la première était destinée à acheter les terrains, immenses pâtures et champs de betteraves autour des grandes villes, et à les rendre constructibles, la deuxième à y réaliser des logements sociaux. La Caisse des Dépôts et la SCET ont impulsé la création de SEM, sociétés d’économie mixte (fausse économie mixte puisque le capital privé était détenu par…la Caisse des Dépôts) avec l’Etat et, progressivement, avec les Collectivités Territoriales, majoritaires au capital, donc des sociétés « ancrées dans les territoires » comme on dit aujourd’hui ; « économie mixte », en théorie par la répartition du capital, mais aussi par leur statut de sociétés anonymes de droit privé missionnées sur des opérations publiques, ce qui a fourni (et fournit encore, malgré les limitations imposées par l’Europe) aux collectivités locales un formidable outil pour contourner la rigidité réglementaire et budgétaire de la fonction publique.

J’étais très attaché à cette culture et à ces « valeurs » de l’économie mixte : la souplesse et la liberté du privé au service de l’intérêt général ; cette culture permettait de dépasser ce clivage, si dommageable en France à l’époque, entre public et privé (qu’on ne trouvait pas seulement en aménagement et en urbanisme, mais aussi par exemple dans le théâtre – aujourd’hui il est généralisé à presque tout, école, santé, autoroutes, sécurité, etc…), clivage où le public était noble, porteur de l’intérêt général, et regardait avec un peu de mépris le privé qui « n’était mû que par l’argent » ; c’était sans doute une façon pour moi de réconcilier deux hommes forts de mon enfance, mon père fonctionnaire, fils de haut fonctionnaire, imprégné des valeurs du service public, regardant de haut mon grand-père maternel, assureur indépendant qui gagnait beaucoup d’argent et n’avait pas beaucoup d’estime pour ces ronds de cuir avec leur salaire, leur retraite et leur emploi3 à vie garantis ; je comptais les points lors de ces interminables repas familiaux, heureusement agrémentés par les...

Erscheint lt. Verlag 14.4.2024
Sprache französisch
Themenwelt Literatur
ISBN-10 2-322-49407-0 / 2322494070
ISBN-13 978-2-322-49407-1 / 9782322494071
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