La discordance des temps -  Guy Caplat

La discordance des temps (eBook)

(Autor)

eBook Download: EPUB
2024 | 1. Auflage
214 Seiten
Books on Demand (Verlag)
978-2-322-47605-3 (ISBN)
Systemvoraussetzungen
7,49 inkl. MwSt
  • Download sofort lieferbar
  • Zahlungsarten anzeigen
- Je capte l'esprit des deux amoureux et je les sauvegarde dans une paire de cerveaux vierges. J'en fais si besoin de multiples copies. De ce fait, je fige leur coup de foudre, leurs premiers mots d'amour, leurs promesses d'éternité, en somme je mets en réserve leur amour. Et puis, plus tard, à leur demande, je transplanterai dans leurs deux cerveaux cet amour sauvegardé pur et vrai, je ferai en sorte qu'ils puissent le revivre comme au premier jour de leur rencontre, qu'ils n'en gardent que la fraicheur originelle, qu'ils oublient les conflits, les trahisons, les faux semblants qui ont pu émailler leur couple. Ils pourront vivre un amour intact aussi souvent qu'ils le voudront, enfin, jusqu'à l'épuisement des copies de sauvegarde ... Avec suffisamment de copies, ils connaitront un amour constant et sans nuage jusqu'au jour de leur mort. Qu'en dites-vous ? - Un amour sans nuage ! Quelle horreur, Professeur !

MIHAÏ – Chapitre 5.2

« Loin et droit devant ». Cette phrase, cela fait un mois qu’il ne l’a plus répétée. Il s’en souvient précisément, c’était le jour où il est arrivé à Panticeu. C’est dans ce village de Transylvestrie septentrionale qu’il estima avoir parcouru assez de chemin durant ces deux dernières années pour ne plus être habité par son passé. La douceur printanière avait fait fondre la neige et les premiers crocus à feuilles jaunes égayaient les prés. « Quel bel endroit où enfin poser ma besace et démarrer une nouvelle vie ».

Pour gagner son pain quotidien il loue ses bras à qui veut bien lui offrir en échange, gite, couvert et menue monnaie. Il bucheronne, il aide à ferrer les chevaux, à monter une charpente, à travailler la terre.

Sa dure journée de labeur achevée il passe la soirée à la taverne où il dépense quelques pièces en compagnie de camarades de beuveries.

Un jour, en rentrant à son gite un peu plus éméché que de coutume, il s’endort sur le chemin. A son réveil il s’aperçoit qu’il s’est fait voler le peu qu’il possédait, 3 lev de monnaie et sa carte d’identité. La seule chose qui lui reste est la photo sur laquelle on peut le voir âgé de dix ans et tenant fièrement un lièvre par les oreilles. Au verso de la photo on peut lire ces mots rédigés d’une écriture enfantine :

Mon premier trophée
Mihaï Pilounov

Mîhaï poursuit sa dure vie de brassier sans anicroches et oublie rapidement cet épisode. Au gré des opportunités il se déplace de village en village laissant derrière lui l’image d’un homme certes un peu frustre mais loyal et travailleur. Durant 20 ans il parcourt ainsi les campagnes et les forêts transylvestres. On le croisera à Brasovski, à Aradov, à Brancovenesti ou encore à Târnăveni’.

L’été dernier il arrive à Paltinis et, comme l’exige la loi, il se présente à la Gendarmerie en précisant dans quelle ferme il est engagé. Les gendarmes lui demandent de justifier son identité, chose qu’il ne peut faire depuis la perte de ses documents. Jusque-là, la procédure se déroulait au mieux : les gendarmes appelaient leurs collègues de Pilounov, village natif de Mihaï, ainsi que tous celui du village que Mihaï venait de quitter précédemment. A chaque reprise, aucun méfait, aucune dette à l’auberge, rien qui ne puisse faire douter de l’honnêteté de Mihaï.

Or ce jour-là, rien ne se passe comme prévu. Les gendarmes font patienter Mihaï le temps de vérifier son identité. Ils téléphonent à Pilounov. « Nous avons face à nous un individu qui dit se nommer Mihaï A. et … ». « Ce n’est pas possible » coupe le gendarme de Pilounov. « Mihaï A. est décédé, assassiné d’un coup de couteau. Son corps a été retrouvé à Brancovenesti en pleine forêt à demi dévoré par les bêtes sauvages. On a réussi à l’identifier grâce aux papiers d’identité trouvés dans sa poche. Ce qui reste de son cadavre nous a été rapporté et nous l’avons enterré dans le cimetière de Pilounov ».

Pensant à juste titre avoir affaire à un imposteur, les gendarmes se sont jetés sur Mihaï, l’ont menotté et l’ont conduit dans une cellule.

« Comment t’appelles-tu ?

« Mihaï A. »

« C’est faux ! Comment t’appelles-tu ? »

« Mihaï A. je vous dis. Tenez, j’ai une preuve » et Mihaï sort de sa poche la photo de lui, enfant, tenant fièrement un lièvre par les oreilles.

« Qui nous dit que c’est toi ? » demande un gendarme.

« Regardez ce qui est écrit au dos :

Mon premier trophée
Mihaï Pilounov

C’est moi, quand j’étais jeune. Croyez-moi »

« Eh bien, moi, ce que je crois » reprend le gendarme d’un air triomphant, « c’est que tu as assassiné Mihaï et que tu lui as volé cette photo dans l’intention de te faire passer pour lui ».

« Ce n’est pas possible. Je suis Mihaï A. et je ne suis pas mort. C’est une histoire de fous. Conduisez-moi à Pilounov, et vous verrez que vous faites erreur » clame Mihaï.

« Nous allons t’y conduire » réplique le gendarme et sur ce, sans hésitation il appelle la Gendarmerie de Pilounov « Ici la Gendarmerie d’Aradov. Nous tenons l’assassin de Mihaï A. Nous vous l’amenons dès demain »

Le lendemain les voilà à la Gendarmerie de Pilounov.

« Je suis Mihaï A. Je ne suis pas mort » clame Mihaï.

« C’est ce que nous allons voir ». Et c’est menotté et encadré par deux gendarmes que Mihaï traverse le village sous les yeux curieux des habitants. Ils se rendent au cimetière. Le gardien, en voyant Mihaï, se signe nerveusement, une fois, deux fois, trois fois, se retourne et part à toutes jambes. Mihaï et les gendarmes entrent dans le cimetière et se dirigent vers une butte de terre récemment élevée. Là, une croix faite de deux planches de bois clouées grossièrement est plantée dans le sol. Sur un écriteau on peut lire :

Ci-gît Mihaï A.

Totalement hébété, Mihaï fixe la croix longuement.

Déjà des villageois les entourent et dévisagent l’homme menotté. Aucun d’eux, et parmi ceux-là sont des anciens camarades de Mihaï, aucun d’eux ne reconnait dans ce visage amaigri celui de l’ami ou du voisin. Ils sont silencieux et totalement immobiles, leurs regards figés fixant un mort-vivant vivant !

Une vieille femme se détache du groupe et s’approche de Mihaï en claudiquant, une canne à la main. Elle le regarde droit dans les yeux pendant de longues secondes. Elle lui touche le menton, elle lui caresse la joue. Ses lèvres sont prises d’un tremblement, des larmes coulent sur son visage. Elle entoure Mihaï de ses bras.

Des années sont passées, des années qui ont durci les traits de l’enfant qu’il était lorsqu’il avait quitté la maison familiale. Elle veut reconnaître son fils. Elle veut croire à son retour, son cœur de mère le lui implore. Mais elle n’y parvient pas, son esprit ne peut l’accepter. En Transylvestrie, on ne revient pas du royaume des morts ; ou alors, si l’on en revient, c’est signe de malheur. Elle s’écarte de Mihaï, se retourne lentement et sans un mot quitte le cimetière de sa démarche douloureuse de coxalgique, avec tout le poids du monde sur ses épaules.

« Mabouchka » a murmuré Mihaï. « Pardon, Mamouchka ». Le lendemain il a été amené devant un juge, a été déclaré coupable de l’assassinat de Mihaï A. et a été condamné à dix ans de prison. A l’annonce du verdict il s’est évanoui. Quand il a repris connaissance il n’était plus le même homme. Les yeux dans le vague il répétait sans cesse « Je me suis tué, je me suis tué … ».

« Et le voilà ici, à la clinique ! ».

« En prison il ânonnait en permanence « je me suis tué, je me suis tué ». Il ne dormait pas, il ne se nourrissait pas. Le médecin de la prison l’a examiné et a conclu à un grave dépression. ‘A ce rythme-là il sera mort avant d’avoir fait ses dix ans de prison’ a-t-il déclaré.

Or, quand on est condamné à dix ans de prison, il faut faire dix ans de prison. Pas un de moins. Et pas question de mourir avant. Le juge a donc décidé de l’expédier dans un établissement spécialisé, le temps de se refaire une santé. C’est la raison pour laquelle on nous l’a amené ici, à la clinique Beau Rivage.

Le jour même, nous avons effacé de sa mémoire son passage à...

Erscheint lt. Verlag 31.3.2024
Sprache französisch
Themenwelt Literatur
ISBN-10 2-322-47605-6 / 2322476056
ISBN-13 978-2-322-47605-3 / 9782322476053
Haben Sie eine Frage zum Produkt?
EPUBEPUB (Wasserzeichen)
Größe: 465 KB

DRM: Digitales Wasserzeichen
Dieses eBook enthält ein digitales Wasser­zeichen und ist damit für Sie persona­lisiert. Bei einer missbräuch­lichen Weiter­gabe des eBooks an Dritte ist eine Rück­ver­folgung an die Quelle möglich.

Dateiformat: EPUB (Electronic Publication)
EPUB ist ein offener Standard für eBooks und eignet sich besonders zur Darstellung von Belle­tristik und Sach­büchern. Der Fließ­text wird dynamisch an die Display- und Schrift­größe ange­passt. Auch für mobile Lese­geräte ist EPUB daher gut geeignet.

Systemvoraussetzungen:
PC/Mac: Mit einem PC oder Mac können Sie dieses eBook lesen. Sie benötigen dafür die kostenlose Software Adobe Digital Editions.
eReader: Dieses eBook kann mit (fast) allen eBook-Readern gelesen werden. Mit dem amazon-Kindle ist es aber nicht kompatibel.
Smartphone/Tablet: Egal ob Apple oder Android, dieses eBook können Sie lesen. Sie benötigen dafür eine kostenlose App.
Geräteliste und zusätzliche Hinweise

Buying eBooks from abroad
For tax law reasons we can sell eBooks just within Germany and Switzerland. Regrettably we cannot fulfill eBook-orders from other countries.

Mehr entdecken
aus dem Bereich
Kurzgeschichten

von Katrin Sobotha-Heidelk

eBook Download (2023)
Lehmanns Media (Verlag)
9,99

von Bram Stoker

eBook Download (2022)
Steidl Verlag
24,99
Prosa

von Michel Tapión

eBook Download (2023)
Buchschmiede von Dataform Media GmbH (Verlag)
8,99