Le miroir en Égée à l'âge du Bronze récent

Qu’a reflété jadis ce miroir minoen ou mycénien à la surface boursouflée d’oxydes verts, encore mêlé de la terre de la sépulture dans laquelle il fut déposé ? Ancien luxe de commodité, fruit d’une précision technique et artistique, et de matériaux importés à grands frais, ne pouvait avoir un miroir en métal qui veut : il y a plus de trente siècles, l’usage commun est celui du plan d’eau, du bol d’huile, qui offrent après tout un reflet suffisant en réponse à d’autres besoins. Qu’a-t-on recherché, dès lors, au travers de son éclat brillant aux reflets cuivrés ? S’agissait-il d’impressionner par un nouveau mode de vie fait de choses superflues, d’imiter les codes hiérarchiques des cours lointaines orientales raffinées, de rivaliser de prestige et d’innovation avec les pouvoirs voisins ? Et quelles furent les interprétations merveilleuses de ses propriétés optiques ? C’est par ces questions que ce livre tente de réviser l’image déprimée d’ornement banal qui a longtemps prévalu sur le miroir égéen ancien, dont les premières apparitions et l’évolution, au cours du deuxième millénaire avant notre ère, ont été portées par de nouveaux flux idéologiques, sociaux et politiques, mais aussi commerciaux, entre les rives grecques et celles du pourtour méditerranéen. Plus d’un tiers du corpus archéologique, estimé à environ 200 pièces, a été étudié, photographié et dessiné dans les réserves des musées helléniques. Les exemplaires les mieux conservés, à manche finement ouvré, font souvent partie des pièces maîtresses de leurs collections. Objets, contextes archéologiques, et sources de nature et de provenances diverses (iconographiques, littéraires, ethnographiques), sont associés pour offrir un regard actualisé sur un pan de l’histoire du miroir ancien, avec ses acteurs, ses processus, et ses trajectoires. La séquence d’évènements ainsi reconstituée montre que l’apparition du miroir en métal dans les sociétés égéennes, plutôt que d’être le simple corollaire de changements culturels, sociaux, ou politiques, en est également le catalyseur.