Le pouvoir du bleu / Die starke Farbe Blau

« Dans la Préhistoire, le bleu est absent de l’environnement du premier
homme », écrit Daniel Bernard dans sa contribution à ce volume. Les
couleurs de la Chine sont, depuis plus de deux mille ans, selon la
cosmologie wuxing, le vert, le rouge, le jaune, le blanc et le noir. Elles
représentent les cinq éléments : le vert renvoie au bois, le rouge au feu,
le jaune à la terre, le blanc au métal et le noir à l’eau. Il n’y a pas de
bleu. Et Michael Hohman précisera par la suite : « dans l’Antiquité,
cette couleur n’existait pas, et ni les Grecs ni les Romains ne possédaient
de mot pour désigner le bleu ». Le monde médiéval français non
plus. Depuis plus de mille ans, on a développé en France des
techniques complexes pour la production et l’application de la couleur
bleue, hautement symbolique. Ceci est particulièrement valable pour le
« mythe du bleu », la légende du savoir prétendument perdu de la
production de vitraux en ce bleu magique qui illumine les grandes
cathédrales gothiques. Mais l’ancien français n’a pas de mot pour le
désigner. Qu’il s’agisse de la poésie des troubadours en langue d’oc ou
du roman arthurien en ancien français, la lecture des textes nous laisse
perplexes devant les descriptions des couleurs.